Dernière maj le
19/06/2004
L'Agriculture et la vertu
L'agriculture qui de par le passé était un
consommateur important de carbone atmosphérique s'est transformé, en devenant
productiviste en émetteur.
Pour augmenter les rendements, on a :
- Remplacé la main d'oeuvre par des machines. Autrefois grande pourvoyeuse
d'emploi, l'agriculture est devenu chiche en emploi. Les exploitations agricoles
sont remembrées, optimisées, mécanisées et exploitées par très peu de paysans.
La profession de paysan a perdu des centaines de milliers d'emploi.
- Développé l'utilisation d'engrais chimiques et de pesticides tous deux gros
consommateurs d'énergie et pollueurs d'eau.
- Développé la culture hors sol sous serre chauffées au gaz. Qui
permet de produire n'importe quoi, n'importe quand.
Dans son livre "le Syndrome du Titanic"
nicolas Hulot dresse le constat d'échec de notre agriculture productiviste.
- Excès d'engrais azotés (protoxyde d'azote N2O)qui représente 53% de
la totalité des émissions de GES d'origine Agricole.
- Travail intensif du sol, labours fréquents et profonds qui relâchent
du CO2 contenu dans le sol.
- Utilisation de serres chauffées qui permettent, de faire pousser n'importe
quoi, n'importe où, n'importe quand en générant du CO2.
- Remembrement agricole qui a fait disparaitre nombre de haies et talus
qui sont d'importantes réserves de carbone.
- Utilisation intensive des pesticides qui outre leur danger intrinsèque
pour l'environnement sont également des consommateurs d'énergie.
- Mécanisation à outrance de toutes les tâches agricoles créant la disparition
en masse du travail dans les campagnes grâce au moteur Diesel.
On pourrait encore parler du gaspillage d'eau, qui assèche les nappes phréatiques,
mais ce sujet, malgré toute son importance, n'est pas l'objet de ce site. Tout ceci
fait de l'agriculture un gros producteur de CO2 (12 % du total Français selon le
CITEPA)
Soucieux de me faire ma propre opinion, j'ai contacté un spécialiste en agronomie
de mes connaissances. Et au final, il convient de relativiser. Le monde agricole a pris
conscience de son impact
- Concernant l'excès d'engrais azotés, d'après Jean Dénarié de l'INRA
Toulouse "Pour produire et épandre une tonne d'engrais azoté, il faut 2 tonnes de
pétrole".
Conscient du problème la recherche agricole travaille à la sensibilisation
des agriculteurs sur les bonnes pratiques pour optimiser la fertilisation des sols.
- Concernant le travail intensif du sol qui relache plus de CO2
Le monde agricole évolue également sur ce sujet. Il y a de plus en plus
"d'itinéraires techniques" qui font abstraction du labour.
- Concernant l'utilisation de serres chauffées . Sur ce sujet nous
(consommateurs) portons également une lourde responsabilité. Les habitudes que nous avons prises
de manger n'importe quoi, n'importe quand fait que nous créons une demande.
Les responsabilités sont donc partagées entre
- Le commerce qui propose les mêmes produits en toutes saisons quitte
à les faire venir du bout du monde.
- L'agriculture locale, qui met de l'énergie dans ses serres pour
pouvoir produire les mêmes produits en toutes saisons.
- Les consommateurs qui achètent les mêmes produits en toutes saisons
sans se soucier de la façon dont ils ont été produits.
Il s'agit donc d'une histoire de poule et d'oeuf. Si notre demande devient plus raisonnable,
l'offre redeviendra sans doute également plus raisonnable. Soyons vertueux
et achetons les produits de saison.
- Concernant le remembrement agricole. Ce fut certainement vrai,
mais la tendance s'inverse aujourd'hui. Les superficies de forêt sont très
largement en augmentation en France. On a également connu dans les campagnes
ces dernières années des politiques de replantation de haies.
- Concernant l'utilisation intensive des pesticides. La encore la recherche
agricole développe de plus en plus de procédés plus légers pour l'environnement.
- Concernant la mécanisation à outrance. On peut retourner l'argument
en disant qu'en France plus personne ne veut travailler la terre. C'est trop pénible.
Nous assistons par exemple à une pénurie de Main d'oeuvre pour travailler
dans les serres. Alors que faire?
En conclusion il y a encore quelques marges de progression pour passer de notre
système classique à une agriculture raisonnée intégrant diminution de l'impact sur
l'environnement et sécurité alimentaire du consommateur. L'agriculture raisonnée
deviendra très rapidement la norme.
Agriculture BIO ou OGM?
Pour certains cependant, l'agriculture raisonnée n'est pas raisonnable et continuera
à peser trop lourdement sur l'environnement. Pour ceux là, seule l'agriculture Bio
est viable. Il faut cependant se demander si l'on peut nourrir toute l'humanité en produisant
"bio"?
A cette question mon spécialiste agronome répond :
"l'agriculture biologique, contrairement
à ce que l'on pourrait croire, est la plus difficile à maîtriser techniquement.
Nous n'avons pas encore une bonne connaissance des plantes et de leur interaction avec l'environnement (sol, climat, bioagresseurs) et les pertes
de rendement sont importantes et les produits sont d'autant plus chers. D'ailleurs
globalement les fruits et légumes français sont chers (coût de la main d'oeuvre, de
la sécurité alimentaire, de la traçabilité, de la réduction de l'impact sur
l'environnement....) et sont plus largement consommés par les classes aisées... La
réduction des surfaces cultivables (démographie, désertification...) me fait plutôt
croire au développement des systèmes intensifs hors sol (donc non bio) en circuit fermé.
Un maximum de rendement, sur un minimum de surface, avec un recyclage des eaux drainées
sur la culture en place, l'utilisation d'auxiliaires biologiques contre les parasites
des plantes, un faible impact sur l'environnement...On assiste en ce moment à un
démarrage du hors sol dans le bassin méditerranéen pour des raisons d'économie d'eau.
Le fait de pouvoir nourrir ou non la planète en faisant du bio est un faux débat. Nous
n'y arrivons déjà pas avec le système dit intensif actuel. Avant d'apprendre à faire
du Bio, il faudra rapidement apprendre à gérer au mieux le manque d'eau et la
désertification. Des cultures telles que le riz (quantité d'eau consommée énorme
par kg de matière sèche produite) seront des inepties écologiques au niveau de la
planète. Il dévient nécessaire de raisonner le choix des cultures en fonction de
leur rendement matière sèche produite sur consommation en eau. La sélection variétale
et les OGM pourront peut être apporter des solutions intéressantes :
- au manque d'eau => faible consommation en eau des plantes, résistance au stress hydrique
- au manque de fertilité des sols => résistance à la salinité des sols
- à la diminution de la consommation des engrais azotés => OGM qui fixe l'azote de l'air
Par tempérament, je privilégierais la sélection variétale qui a déjà fait ses
preuves depuis bien longtemps et qui est parfaitement naturelle, aux OGM dont on
ne peut maitriser la propagation et dont on ne connait pas les conséquences à long terme.
Mais ceci est un autre débat et n'est pas l'objet de ce site!
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