Dernière maj le 10/04/2006

Quelle Europe de l'énergie ?

Faut-il livrer l'énergie aux lois du marché ?


Encore une fois, il faut le dire, l'énergie en abondance et à bon marché, c'est fini.

Comme on le sait, avant 2050, la terre comptera quatre milliards d'habitants en plus qui naîtront essentiellement dans les pays en voie de développement.

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE) ce sont 16.000 milliards de dollars qui devront être investis d'ici à 2030 à l'échelle de la planète pour maintenir les capacités énergétiques actuelles et faire face à l'accroissement prévisible de la demande qui sera de 60 % plus élevée qu'aujourd'hui.

Rappelons pourtant que le réchauffement climatique, qui fait l'objet de ce site et dont les effets commencent déjà à se faire sentir, menace gravement notre planète à brève échéance. Il est dû essentiellement aux émissions de gaz à effet de serre produit par la combustion des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon).

Parallèlement, les réserves connues de Pétrole et de Gaz vont très rapidement s'épuiser ( le gaz dans une soixantaine d'années et le pétrole dans quarante ans ). Même Georges W Bush vient de s'en rendre compte et a décidé de relancer la production du nucléaire aux Etats Unis. En outre, leur localisation ( au Moyen-Orient et en Russie ) et leur rareté vont fatalement accentuer, dans un futur proche, les risques de tension et de conflits.

Compte tenu de cette pénurie annoncée et de la lenteur de la mise en place des énergies renouvelables il est clair que pour l'ensemble des citoyens du monde, l'énergie en abondance et à bon marché, c'est fini.

Dans ce contexte et malgré les risques que cela comporte, le développement du nucléaire paraît inévitable. On peut craindre également une progression de l'usage du charbon , notamment dans les pays en voie de développement. Ceci provoquerait, malgré les accords de Kyoto, une augmentation des émissions de CO2 dans le monde.

 

L'Europe a dans ce cadre, une grande responsabilité.

L'augmentation brutale du baril de pétrole et la récente crise entre la Russie et l'Ukraine dans les livraisons de gaz ont mis en lumière la fragilité des économies européennes en matière énergétique.

Pourtant l'Europe, toujours plus "énergétivore, perd beaucoup de temps pour rechercher les moyens de répondre aux défis qui nous sont posés.

Elle vient enfin de se décider, en publiant le 8 mars 2006 un livre vert sur l'énergie et en réunissant les Chefs d'Etat sur le sujet le 21 mars, à ouvrir le débat sur une politique européenne de l'énergie.

Cette lenteur dans la mise en œuvre d'une action européenne commune résulte en fait de la sérieuse contradiction dans laquelle la très libérale UE est empêtrée : poursuite du processus d'ouverture à la concurrence ou mise en place d'une politique directive visant à favoriser l'efficacité énergétique, à instaurer une régulation du marché et à garantir la sécurité de l'approvisionnement.

Aujourd'hui, l'offre communautaire d'énergie couvre à peine la moitié de ses besoins et, sans un changement fondamental de la politique énergétique européenne, ce taux de dépendance extérieure risque de passer à 70 % d'ici à 2030 avec une accentuation du poids des combustibles fossiles.

Ceux-ci représentent les quatre cinquièmes de sa consommation totale en énergie (pétrole, charbon, gaz naturel) dont prés des deux tiers sont importés.

Aujourd'hui, près de 50 % de l'électricité des nouveaux pays membres de l'Union Européenne est produite à partir du charbon et malgré de profondes restructurations en cours, le charbon occupe et occupera encore pendant longtemps une place importante dans ces pays. En Pologne et en République Tchèque, il entre respectivement pour 90 % et pour 70 % dans la production d'énergie primaire. Il répond également pour 40 % aux besoins d'électricité de la Bulgarie et pour 26 % à ceux de la Hongrie.

Aujourd'hui, en l'absence de directives claires, chaque état membre tente de résoudre isolément le défi énergétique qui lui est posé. Il apparaît, par exemple, que l'Angleterre envisage de relancer l'énergie nucléaire, il en serait de même pour l'Espagne, l'Italie et peut être l'Allemagne maintenant que le poids politique des Verts a sensiblement baissé.

Dans le même temps, les grands groupes énergétiques et financiers européens excités par les privatisations et flairant les bonnes affaires se livrent à des opérations spéculatives de fusions, absorptions ou autres OPA bouleversant le paysage énergétique de l'UE.

Faut-il livrer l'énergie aux lois du marché ?

La récente annonce de la fusion de GDF et Suez, programmée pour le deuxième semestre 2006 sous réserve de l'obtention du feu vert des autorités européennes de la concurrence en est le dernier exemple.

Ce rapprochement provoque une polémique de la part de la société énergétique italienne Enel qui souhaitait lancer une OPA sur Suez pour récupérer sa filière énergétique belge Electrabel.

Selon le ministre français de l'Economie, ce projet permet à l’énergéticien français de compléter son offre en matière d’électricité et de se préparer à l’ouverture du marché de l’énergie prévu en juillet 2007. Le nouveau groupe, nous dit-on, fort d’un chiffre d’affaires de 64 milliards d’euros, figurera dans les tous premiers rangs des acteurs européens de l’énergie et de l’environnement.

Que nous importe cette ambition? Doit-on laisser faire le marché en matière d'énergie ?

Ne peut-on pas craindre que cette logique de déréglementation et de concurrence, aboutisse, à terme, à la perte totale de la maîtrise publique sur ce secteur essentiel de l'économie ?

Peut-on raisonnablement penser que le choix de livrer GDF et EDF à l'appétit sans limite d'actionnaires privés qui n'auront de cesse de voir leurs dividendes augmenter au détriment du service public va dans le sens d'une meilleure prise en compte des énergies renouvelables et de l'environnement ?

Les groupes privés sont-ils prêts à assumer le financement des investissements nécessaires pour développer les filières aujourd'hui maîtrisées, pour financer la recherche et permettre l'essor de nouvelles technologies?

Le débat est ouvert, mais déjà en France et en Europe les conséquences négatives de la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz sont perceptibles. Hausse des prix, dégradation du service public, sous-investissement, baisse des budgets de recherche, suppression et précarisation des emplois. Depuis 1990, quelques 250.000 emplois ont été supprimés sur les 800 000 que comptait le secteur de l'énergie en Europe.

Pour ma part, je suis convaincu qu'en matière d'énergie il faut que la volonté politique prime sur les lois du marché.

L'exigence d'une nouvelle politique énergétique en Europe.

 

Comment va-t-on remplacer le pétrole, le gaz, le charbon demain et le nucléaire dans sa technologie actuelle après-demain?

 

"L'Union européenne est un élément essentiel dans la fourniture d'une énergie durable, compétitive et sûre aux citoyens européens," a estimé, lors de la présentation du livre vert, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

C'est vrai, je suis convaincu que l'UE a, sans perdre de temps, un grand rôle à jouer pour orienter la politique énergétique européenne et définir un plan d'action applicable par tous les pays membres.

Elle doit aussi veiller à ce que l'énergie soit répartie équitablement, et pour se faire il importe de contraindre les divers opérateurs du secteur énergie à une obligation de service public.

Il est aussi évident que la mise en place des grandes orientations énergétiques sur le long terme ne peut se concevoir sans s'appuyer sur un véritable débat public et un rôle accru des parlements nationaux et européen.

Les différentes options énergétiques.

Il n'est pas ici question de revenir dans le détail sur les diverses orientations possibles et acceptables au plan environnemental que l'on retrouve par ailleurs sur ce site mais de regarder brièvement les différentes options possibles eu égard à l'état actuel de la recherche.

On peut aussi espérer que les scientifiques sortiront dans les années à venir une grande innovation durable et non polluante qui nous faciliterait les choix.

La diversification des ressources.

La seule politique raisonnable pour satisfaire les besoins est de jouer sur tous les tableaux et de ne négliger aucune des ressources énergétiques acceptables au plan environnemental. Le recours à un bouquet énergétique plus durable, efficace et diversifié, figure d'ailleurs dans les priorités données par la commission européenne.

 

Les économies d'énergies rapidement.

L'UE envisage d'économiser 20 % de l'énergie qu'elle consommerait en 2020 si rien n'était entrepris d'ici 2020. Est-ce suffisant ?

L'énergie la moins chère et la moins polluante est, en effet, celle que l'on ne consomme pas.

La priorité consiste donc à réduire de façon drastique le confort énergétique dans les pays composant l'UE, ce qui implique un total bouleversement des modes de vie.

Les habitants sont-ils prêts à l'assumer ?

Il revient aux hommes politiques de les y préparer. La nécessité doit faire loi et passer avant les intérêts électoraux à court terme.

Il faut rapidement mettre fin au gaspillage des ressources pétrolières.

Il faut diminuer, autant que faire se peut, notre dépendance vis à vis du pétrole. Il n'est plus possible de continuer, comme si de rien n'était, à gaspiller ce combustible pour produire de l'électricité, faire avancer à lui seul la quasi totalité des moyens de transport ( voitures, camions, avions, bateaux et une partie des trains), chauffer en nombre maisons et immeubles, produire des emballages et des matières plastiques de toutes formes et de toutes couleurs.

L'UE doit impérativement développer une politique d'incitation très forte pour les économies d'énergie dans le bâtiment et encourager l'usage d'énergies autres que le pétrole et le gaz.

Il lui faut d'urgence repenser sa politique des transports :

La pile à combustible le plus tôt possible.

Comme nous l'avons déjà affirmé sur ce site, la pile à combustible (le moteur à hydrogène) apparaît comme le générateur d'énergie propre du futur susceptible de participer de façon significative au remplacement du pétrole dans le secteur des transports ( 56 % du pétrole consommé en France ).

Pourtant les études sur ce sujet semblent piétiner faute probablement d'une impulsion financière suffisante.

L'Europe apparaît comme étant le bon niveau pour mettre en place les structures et les moyens suffisants à la recherche d'une méthode propre pour l'extraction de l'hydrogène et la mise au point d'un moteur performant fonctionnant avec cette pile.

Les énergies renouvelables dés aujourd'hui et pour demain.

Dans son Livre Blanc sur les énergies renouvelables du 26 novembre 1997, la Commission Européenne fixait aux énergies renouvelables l'objectif de passer leur contribution au bilan énergétique européen de 5,3 % hors grande hydraulique (1995) à 12 % en 2010.

Mais, l'augmentation brutale du baril de pétrole liée à l'importante progression de la consommation mondiale qui a progressé de 20 % depuis 1994 et devrait continuer à croître doivent pousser l'Europe à revoir sa stratégie, sans trop se soucier des critères de rentabilité à court terme, et à développer résolument et plus rapidement les énergies renouvelables.

Parmi les énergies renouvelables, l'énergie éolienne est la filière qui se développe le plus rapidement aujourd'hui en Europe en termes de puissance installée, mais elle a ses limites. Il faut savoir, par exemple que si on équipait la France en éolien au maximum des possibilités sur terre et sur mer, l'énergie du vent ne représenterait que 28 % de l'électricité française.

L'énergie solaire est, sûrement, celle qui offre le plus de possibilité car le soleil envoie sur terre en 40 minutes autant d'énergie que nous consommons en un an.

D'autres filières telles que la géothermie, l'incinération des déchets, le bois, la paille et le biogaz ne doivent pas être négligées mais utilisées localement au maximum de leurs possibilités.

Il importe maintenant que des investissements suffisants soient réalisés pour développer les filières aujourd'hui maîtrisées, pour accroître notre effort de recherche et permettre l'essor de nouvelles technologies. On peut penser, par exemple, que l'énergie des vagues ou des courants marins recèle probablement un potentiel considérable de développement.

Le charbon pour pas trop longtemps.

Ce combustible restera inévitablement, comme nous l'avons indiqué ci-dessus, indispensable dans les années à venir à l'approvisionnement en énergie de l'Union Européenne. Son utilisation, reste importante notamment pour les besoins de la sidérurgie et surtout des centrales thermiques.

Elle serait acceptable au plan environnemental si le CO2 produit par sa combustion est récupéré et séquestré.

Mais cette solution présente, selon les spécialistes, deux inconvénients majeurs :

Des recherches se poursuivent sur ce sujet et d'autres techniques sont expérimentées, mais, il semble cependant que l'abandon total de cette énergie fossile, dont les réserves se situent pourtant à plus de deux siècles, doit être envisagé dans des délais aussi rapprochés que possible en Europe.

Le nucléaire pour probablement quelques décennies.

Il est évident qu'on ne se débarrassera pas, non plus, du jour au lendemain de l'énergie nucléaire, particulièrement en France ou elle représente 70 % de la production d'électricité. Au contraire, d'autres pays Européens envisagent très sérieusement, devant la hausse irréversible du prix du pétrole, de relancer la filière nucléaire en particulier le Royaume Uni.

Pourtant la radioactivité, sujet de débats passionnés et contradictoires, fait peur surtout depuis "Tchernobyl". Même si l'on nous affirme qu'une telle catastrophe ne peut se produire en France, je suis de ceux qui pensent que le risque zéro n'existe pas et que par ailleurs les conditions de sûreté ne sont pas identiques dans tous les pays européens.

On peut craindre aussi, concernant le nucléaire, que les obligations de gestion rigoureuse en termes de sûreté et de sécurité cadrent mal avec les exigences de rentabilité maximale découlant de la libéralisation totale du marché de l'énergie.

Reste à résoudre également, le problème de la gestion des déchets en fin de cycle.

Cela dit, le nucléaire, qui ne produit pas de gaz à effet de serre et permet à la France de respecter plus facilement les engagements du protocole de Kyoto n'est pas une énergie renouvelable et dans sa technologie actuelle elle va s'épuiser dans le siècle.

Le projet international ITER. Peut-être de l'énergie abondante pour après-demain.

L'objectif du projet international ITER est de démontrer la possibilité scientifique et technologique de la production d'énergie par la fusion des atomes de la même manière de ce qui se passe au sein des étoiles comme le soleil.

L'enjeu de ce projet de réacteur à fusion nucléaire est colossal car il représente l'espoir d'avoir une source d'énergie propre et abondante au cours de la deuxième moitié du XXIe siècle . Souhaitons aux scientifiques en charge du projet une totale réussite dans leurs travaux.

L' UE n'est pas totalement étrangère au choix du site de Cadarache pour le développement d'ITER et sa participation tant humaine que financière au projet figure évidemment dans les domaines d'action de sa politique énergétique.

Conclusion

Le problème énergétique majeur auquel nous sommes mondialement confrontés nécessitera un large dépassement des objectifs du protocole de Kyoto. Il faudra, si on veut le résoudre rapidement, engager, notamment au niveau de l'Europe :

 

Il n'y a pas de temps à perdre car si aucune mesure n'est prise, l'homme sera responsable d'une augmentation de la température planétaire comprise entre 1,4 et 5,8 °C d'ici la fin du siècle entraînant des incidences graves sur les écosystèmes et les économies de toutes les régions du monde.

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